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JOURNEES NATIONALES DE LA SPELEO

L’inscription

« Nous allons bivouaquer ici ! » ordonne le Capitaine. Après des heures de marche sur les routes pierreuses de Franche-Comté, la troupe épuisée, pourtant composée d’hommes dans la force de l’âge, fait halte. Sous les grands arbres de cette forêt de début d’automne et au pied d’un rocher abrupt, ils seront protégés de la pluie et du vent pour la nuit.

Jean, avec ses amis, ses voisins, a quitté le hameau, il y a cinq jours. « Il faut défendre la République ! … » avait dit l’émissaire venu de Paris. De Paris ? D’habitude, peu de nouvelles arrivent dans nos contrées reculées avait pensé Jean.

Ils ont bien entendu parler de la prise de la bastille, des Etats Généraux et des cahiers de doléances, où ont été recueillies les revendications du Tiers Etat. D’ailleurs, c’est le Notaire de la ville voisine et le Maire qui sont partis en diligence les porter en personne à Versailles. Jean avait appris aussi le coup d’état du 18 brumaire, qui nomma Napoléon Bonaparte Consul à vie. Et maintenant il parait que l’ennemi est aux frontières ? Et qu’il faut défendre le pays ?

Les officiers qui accompagnaient l’émissaire venu de Paris ont enrôlé, sans discussion les hommes les plus vaillants. Arrachés à leur famille, leurs troupeaux et les champs prêts pour la moisson, ils partent loin de chez eux vers des contrées inconnues, vers un destin qu’ils ne peuvent imaginer, pour se battre contre un ennemi, venu de l’Est parait-il.

Leur destination ? la garnison de Besançon où ils abandonneront leurs blouses de paysan et leurs sabots pour un uniforme de soldat et un fusil. Certains disent que c’est Napoléon Bonaparte, lui-même qui conduit les opérations sur le front en tant que général en chef.

Epuisés par leur longue marche, les hommes s’affalent sur le sol humide. Appuyé contre le tronc d’un chêne, Jean somnole. A travers ses paupières mi-closes, il lui semble distinguer comme une tâche sombre derrière un rideau épais formé de lierre et de vignes vierges. Ce rideau de feuillage, qui joue avec la lumière du soleil couchant et qui tombe du rocher jusqu’au sol dissimulerait-il une entrée ? Une grotte ?

Jean a toujours aimé explorer en solitaire les moindres cavités aux alentours de son village. Peut-être un instinct venu du fond des âges ? Il ne résiste pas. Il attend la nuit que ses camarades soient endormis. Puis, à la lueur d’une torche allumée au feu du bivouac, il écarte ce rideau végétal, s’approche de la paroi puis se glisse dans la cavité.

Après un passage très étroit, qu’il franchit avec quelques contorsions difficiles, la suite de la galerie s’avère plus accessible, mais le sol reste irrégulier. Ses sabots glissent, claquent et résonnent contre les pierres, brisant cet univers silencieux. Il rampe souvent, mais parfois il peut se tenir presque debout. Il avance prudemment en protégeant sa tête. Une chauve-souris dérangée par le visiteur s’envole et frôle son visage. Oh, c’est doux comme une peau de lapin se dit-il en souriant.

Eclairé, mais à tâtons, il arrive dans un endroit parsemé d’étranges pierres en forme de colonnes lisses et mouillées aux reflets colorés. Certaines semblent inachevées, il manque une partie ou en bas, ou en haut, mais le spectacle est saisissant. Eclairant de sa torche le plafond de la grotte, il découvre aussi de curieuses pierres en forme de lamelles comme les draps qui sèchent au vent d’été les jours de lessive au village.

Et voilà maintenant Jean qui pense à ceux qu’il a quittés. Suzon, la fille du meunier. Elle est bien jolie. Et quand elle vient chercher le lait à la ferme, elle est poudrée de la tête aux pieds et surtout la farine sur ses cheveux blonds et ses longs cils lui donnent une apparence irréelle. Mais le briochin qu’il serre dans sa besace est lui bien réel. Suzon, l’a glissé discrètement avant le départ de Jean. C’est un pain brioché, qu’elle a pétri de ses mains et dont elle garde la recette secrète. Avec la farine du moulin, les œufs de ses poules, le lait des vaches de Jean, elle confectionne ce pain auquel elle rajoute le miel de ses ruches, car elle a un don pour les abeilles. En ajoutant ce miel délicieux, le résultat est un régal et Jean, avec son briochin dans sa besace se sent le plus heureux des hommes.

Jean prévoit d’en manger chaque jour un petit morceau, en pensant à Suzon qu’il a laissée au hameau. Un petit morceau chaque jour, de plus en plus petit pour garder dans son cœur, le plus longtemps possible le souvenir de la belle Suzon. Après la guerre, quand il rentrera au pays, il ira voir le meunier et lui demandera la main de sa fille. Jean, qui est un bon gars en est persuadé : le meunier dira oui.

Il scrute à nouveau la paroi de la grotte à la recherche d’un endroit accessible et lisse. Alors, muni d’une pierre à l’arrête tranchante, Jean assis sur le sol, grave avec application à la lueur vacillante de sa torche ces quelques caractères J S 1802 


*





« Mesdames et Messieurs, suivez le guide ! Attention à vos têtes, avancez doucement, le sol est humide et glissant … !

Nous sommes ici, dans la salle la plus remarquable de la grotte de Saint-Vit. Cette grotte, habituellement fermée au public n’est ouverte qu’une fois par an à l’occasion des Journées Nationales de la Spéléologie. Admirez cette forêt de stalagmites et de stalactites. Ces concrétions ont été formées grâce aux infiltrations de l’eau à travers le sol calcaire. Au-dessus de nos têtes, vingt mètres nous séparent de la surface du sol. L’eau chargée de calcaire tombe verticalement goutte à goutte. Il a fallu des millions d’années pour constituer ces colonnes, qui grandissent à raison de 5 millimètres par an. Parfois, quand l’eau coule le long d’une paroi, on obtient ces jolis drapés de couleur.

A présent, continuons notre visite vers la salle suivante que nous avons baptisé la Bibliothèque. Les plus anciennes inscriptions datent des années 1800. Celle-ci est particulièrement bien visible : J S 1802

Que pouvons-nous dire de l’année ? oui, en effet Victor Hugo a écrit Ce siècle avait 2 ans, ce qui n’échappe jamais aux visiteurs bisontins bien sûr, puisque Victor Hugo est né à Besançon en 1802. Notez aussi que nous sommes au début des guerres napoléoniennes qui ont duré jusqu’en 1815.

Alors, qui est ce J S ? Un tagueur de l’époque ? comme ceux des villes actuellement et qui signalent leur présence un peu partout ? Est-ce un habitant de Saint-Vit qui découvre cette grotte sous son village et veut marquer sa découverte ?

Et s’il était de passage, pourquoi était-il ici ? Qu’est devenu ce J S ?

Mais s’agit-il vraiment de ses initiales J S ou bien de deux noms accolés J et S ? Que cachent ces 2 lettres et cette date ? Un message d’amour ? de détresse ? Est-ce une promesse ? un espoir ?

Mesdames et Messieurs, selon votre humeur du jour et votre inspiration, je vous laisse imaginer la signification de cette mystérieuse inscription.

Suivez le guide ! …»

Octobre 2024



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